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Enquête Van Hulle, des opérateurs témoignent

Matthieu Van Hulle, cogérant, reconnaît avoir fait face à un « défaut de couverture ». Matthieu Van Hulle, cogérant, reconnaît avoir fait face à un « défaut de couverture ».

Le 19 juillet, le négociant normand Van Hulle Agro-distribution a été placé en redressement judiciaire. Depuis, ses clients, négociants et agriculteurs, essayent de se faire payer leurs créances.

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« Il me doit 123 000 euros, lance un négoce, je ne sais pas si je reverrai cet argent un jour. » Ce négoce d'Eure-et-Loir possède une solide santé financière et devrait pouvoir absorber cette créance. Mais il ne décolère pas. « Début juillet, nous avons fait une demande d'autorisation pour effectuer une saisie conservatoire. Van Hulle avait des pois en stock, il aurait pu me payer. Mais le président du tribunal de commerce a refusé de signer notre autorisation. Je ne comprends pas pourquoi ! Le temps que l'on fasse une deuxième démarche, le redressement judiciaire était engagé et nous ne pouvions plus rien faire. »

« Pour l'instant, on se concentre sur les créances des agriculteurs »

Van Hulle travaillait avec plusieurs négociants, ponctuellement. Si les créances des agriculteurs sont estimées entre 4 et 5 millions d'euros, celles des négociants sont difficilement estimables. « Mise à part deux créances de plus de 100 000 euros, ce sont des petits montants », indique Matthieu Van Hulle. Et le recouvrement de leurs créances n'est pas une priorité. « Pour l'instant, on se concentre sur celles des agriculteurs », ajoute le jeune cogérant.

Une solution semble avoir été trouvée pour compenser une partie des créances des agriculteurs, via l'achat d'intrants. Les créanciers devront attendre le vote d'un plan de continuation, pas avant six mois, pour connaître les éventuelles modalités de remboursement. La période d'observation de l'entreprise en redressement judiciaire a été prolongée jusqu'au 20 janvier. La recherche d'un partenaire financier, annoncée fin juillet, n'est, pour l'instant, pas d'actualité. « Nous préférons avancer sereinement. Nous y verrons plus clair dans quelques mois», indique Matthieu Van Hulle.

Différents sons de cloche chez les courtiers

La mise en redressement judiciaire de cette entreprise spécialisée dans la collecte de céréales et l'alimentation animale a étonné certains acteurs de la filière. Xavier Haas de Comigrain, un courtier à Rouen, entretient de bonnes relations commerciales depuis plusieurs années avec le négociant. « Jusqu'à cet été, tout allait bien. Je lui présentais des exportateurs ou des importateurs, et les affaires se déroulaient sans accroc. »

A l'inverse, un cabinet de courtage, qui a souhaité resté anonyme, n'est pas surpris. « En 2014, nous avons eu un problème d'exécution pure, heureusement sans préjudice. Cela peut arriver... Mais il y avait un écart entre le discours et les actes, alors que dans notre métier la confiance est très importante. Après enquête auprès d'autres confrères, nous avons arrêté de travailler avec lui. »« Un défaut de couverture »

Pourquoi le négoce de Seine-Maritime, qui collecte environ 200 000 tonnes de céréales, a-t-il souhaité être placé en redressement judiciaire ? Comment a-t-il perdu quelques millions d'euros en quelques mois ? Une gestion trop risquée ? Matthieu Van Hulle s'en défend : « C'est la conjoncture de différents événements au même moment qui nous a conduit à cette situation. » Matthieu Van Hulle avoue avoir contracté des engagements sur le marché à terme, avec du blé à 11 % de taux de protéine. Mais la qualité à l'hiver 2015-2016 n'est pas au rendez-vous. Le blé ne peut être valorisé qu'en blé fourrager. Au même moment, le négociant doit faire face à un « défaut de couverture ». Autrement dit, un décalage des prix entre les positions prises sur le Matif et le marché physique.

Face à ce défaut de trésorerie ponctuel, les banques bloquent les financements. C'est à ce moment-là que Sénalia, union de coopératives qui exporte des céréales sur le port de Rouen, connaît des déboires avec le négociant normand. « Nous avons rencontré des problèmes avec la société Van Hulle au sujet de transfert de propriété qui n'ont pas été émis par nos services », explique Gilles Kindelberger, le directeur général de Sénalia. Le logisticien du grand port maritime a porté plainte pour « faux et usage de faux » à l'encontre de Van Hulle, les 10 et 13 juin. Pour l'instant, aucune suite judiciaire n'a été donnée.

Aude Richard

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